Conférence de M. Philippe Couton

16 septembre 2023 au Musée de Pont-Aven


Le 16 septembre 2023, lors des Journées Européennes du Patrimoine, M. Philippe Couton donnait en salle Julia une conférence consacrée au peintre hollandais Hermanus Van den Anker. Nous avons souhaité reprendre quelques extraits de sa communication qui a été fort appréciée. Nous n’avons retenu ici que des passages qui concernaient Pont-Aven.

« De Rotterdam à la Bretagne : A la recherche de l’énigmatique Hermanus Van den Anker,
premier peintre hollandais de Pont-Aven »

Pont-Aven : les années bretonnes (1869-1880).


Hermanus-Franciscus-Carolus Van den Anker voit le jour le 14 juillet 1832 à Rotterdam […]
On ne sait rien de [sa] venue en Bretagne en1869, sinon que Anker prend pension chez Gloanec. A l’époque la colonie ne compte guère plus de 10 à 12 artistes, où dominent les Américains autour de Wylie qui s’est établi à demeure à Pont-Aven depuis 1866 […]
Lorsque la guerre éclate entre la France et la Prusse à la mi-juillet 1870, Anker prend la décision d’un retour rapide à Paris mais les événements vont le prendre de court […] Il revient rapidement à Pont-Aven où d’autres artistes sont venus se réfugier auprès de Wylie, tels les Américains Bridgman, Swift ou Ramsey […] Si la guerre franco-prussienne de 1870 va dans un premier temps contraindre Anker à demeurer à Pont-Aven, rapidement la commodité et les agréments du lieu vont l’emporter sur toute autre considération. Il va définitivement s’établir dans le village en prenant pension durable chez Gloanec, dans une petite chambre de l’étage qui lui restera dévolue sa vie durant jusqu’en 1883.


Anker est d’une nature facile et fondamentalement humaniste, sa culture et son grand sens de la camaraderie contribuent à une intégration aisée au sein du village et de la colonie […] Si l’on se penche sur les créations des années 1870, on constate que Anker avait une production parcimonieuse et qu’il s’adonnait plus largement au dessin ou à l’aquarelle qu’à l’huile. Sa prédilection le porte essentiellement aux tableaux d’intérieurs rustiques dépeignant des scènes intimistes et réalistes, dans l’esprit de la tradition hollandaise, mais au nombre de personnages réduit […] Anker pratique aussi le portrait, qui devait constituer l’une de ses sources essentielles de commandes, où il excellait […] C’est de cette époque que date probablement le double portrait des époux Gloanec réalisé par Anker, hommage amical envers ses hôtes, dont seul subsiste le portrait de Joseph […]


En février 1877, son ami Wylie – qui occupait le grand atelier double du manoir de Lezaven depuis 1866 et y accueillait la plupart des peintres de passage – meurt prématurément à l’Hôtel des Voyageurs tenu par Julia Guillou […] Dès septembre 77, Anker peut prendre la suite de Wylie dans l’atelier de Lezaven. Il y conserve la même attitude d’accueil bienveillant envers ses confrères. Il occupera les lieux et y travaillera à ses grandes compositions jusqu’à son propre décès en 1883.
Pont-Aven constitue pour notre hollandais un havre de paix, il s’en écarte peu durant ces 14 années […] 

LES DERNIÈRES ANNÉES : 1880-1883. Le Doyen de la Colonie.
Le début de la nouvelle décennie marque un véritable tournant dans la vie de la colonie avec une explosion de la fréquentation artistique ; la renommée de Pont-Aven a fait boule de neige et les peintres de toutes nationalités s’y déversent par vague : on en compte plus de 50 en 1881 et on approche la centaine en 1883 !
En 1880, Van den Anker est le dernier des membres fondateurs et le seul (en dehors de Wylie) à s’être établi volontairement et de façon définitive dans le village. C’est pourquoi il fait figure à cette époque de doyen, ne faisant qu’un avec le bourg où il vit en père tranquille, apprécié et respecté de tous […]
[Avec] l’arrivée d’artistes venus apprendre sur le terrain, un cercle nouveau d’amitiés et de jeunesse va se constituer autour de lui, composé de ces jeunes peintres désireux de progresser dans leur métier : les principaux sont Fernand Quignon (1854-1941) et son ami Charles André (1854-1931) […]
Quelques œuvres nous laissent entrevoir l’intimité de ces liens amicaux : des caricatures réciproques, des clichés et des séances dans l’atelier de Lezaven. Mais la réalisation la plus éloquente est sans conteste la nouvelle Enseigne réalisée à 2 pinceaux par Anker et Quignon, autant marque d’estime envers les époux Gloanec que témoignage d’amitié entre les 2 artistes.


À cette époque, on note une notable progression dans l’art du Hollandais : ses aquarelles sont de vraies aquarelles lavées aux tons plus légers, aux poses plus vivantes et naturelles. Dans le domaine de l’huile, jouissant d’un atelier plus vaste à Lezaven, il s’est lancé dans des compositions bien plus ambitieuses et complexes, aux personnages multiples, longuement étudiés. L’art de Anker semble être devenu plus libre et plus virtuose ; sa Marchande de Beurre en est le meilleur exemple.
[Nous savons qu’en 1882] il est déjà aux prémices de sa maladie. Celle-ci ira empirant puis, devant ses progrès, Anker est contraint de quitter Pont-Aven pour être soigné plusieurs mois durant à Quimperlé […] puis à Paris […] où il décède le 9 juillet 1883.
Conformément à [ses] volontés, ses amis font rapidement rapatrier sa dépouille qui quitte Paris le 11 juillet pour Pont-Aven, et veillent à son inhumation dans le cimetière du village avec tout le concours des habitants venus en foule pour accompagner le Hollandais en sa dernière demeure […]