Trémalo
Trémalo, abordée à l’improviste
« De la chapelle de Trémalo, dédiée à Notre-Dame, ce que l’on aperçoit, montant de Pont-Aven en longeant les futaies du Bois d’Amour par l’allée de chênes et de châtaigniers, c’est un chevet qui oblige le chemin à faire un écart. »
D’emblée signalons l’ouvrage très documenté et richement illustré de Yves-Pascal CASTEL et Catherine PUGET édité par les Amis du Musée de Pont-Aven en collaboration avec l’Association pour la Sauvegarde de la Chapelle de Trémalo. On ne conseillera trop le lecteur à la recherche de précisions historiques, architecturales ou ayant trait à l’histoire de l’Art de s’y référer.
Comme l’improviste suggère d’emprunter quelques traverses buissonnières, cette page soulignera des aspects, peut-être inconnus du visiteur pressé, que ces deux auteurs ont mis en exergue dans leur ouvrage, disponible auprès du secrétariat des Amis du Musée.
« Chevet rêvé de la chapelle bretonne type, c’est lui que magnifient depuis décennies les artistes, qu’ils soient peintres ou photographes. Alors que déjà presque un siècle auparavant s’est introduit dans le pays du Trégor le chevet à pans coupés, le nôtre s’inscrit, quelque peu archaïque, dans la tradition gothique des chevets droits.
L’observateur attentif notera le décalage léger de l’axe de la baie par rapport au fleuron terminal. Loin d’être un manque de rigueur dans le savoir faire des ouvriers, c’est une manière de rendre les choses « solubles dans l’air ». On évite ainsi le tracé rigoureusement géométrique qui dessèche l’œuvre en figeant l’œil.
Des trois baies flamboyantes celle de gauche a été murée. La grande baie centrale se compose de trois lancettes et d’un réseau à six lobes deux soufflets et quatre mouchettes. »
« Ce réseau abrite à l’intérieur de la chapelle une belle œuvre de verre que l’on pourrait dater des années 1550, illustration du miracle qui s’est produit
alors que le pape Grégoire (540-604) était à l’autel. Un des assistants doutant de la Présence réelle, apparut aux yeux des fidèles le Christ de la Passion. Le verrier de Trémalo montre le ressuscité plongé à mi-corps dans le tombeau, nimbé, couronné d’épines, flanc percé, mains liées, le fouet de la flagellation posé à son côté. Sur les pages du livre ouvert sur l’autel pontifical on aurait aimé déchiffrer les sept lignes tracées par le peintre, signes cabalistiques jetés à la hâte avant l’enfournement des pièces de verre dans le four de cuisson. »
« Le saint est vêtu d’une dalmatique (tunique liturgique portée par les diacres) de coupe peu classique qui couvre une aube où le peintre a figuré les dentelles florales de l’ancienne paramentique. En main droite le martyr soutient, faite du repli de la dalmatique, la poche débordante des cailloux de sa lapidation. La place de saint Étienne à droite dans le chœur atteste que le diacre protomartyr a joui autrefois d’un culte particulier à Trémalo. »
Il se détachait naguère sur la blancheur du mur chaulé et rechaulé au long des saisons, irradiant la pénombre de la chapelle. C’est dans une telle atmosphère que le supplicié sublime attira l’attention de Paul Gauguin en 1889. Christ jaune dont le célèbre peintre a transcrit les yeux, contrairement à la sculpture, sinon fermés, du moins baissés. Quel est donc le pieux rapin qui a, et quand ? repeint le visage, changeant l’allure de ce qui fut naguère, avec des yeux grands ouverts et plus malades que souffrants : « Cernes rougis, repeints sur les paupières closes ».
Parmi les centaines de peintres qui ont fréquenté Pont-Aven depuis 1860 jusqu’à nos jours, la peintre finlandaise Hélène Schjerfbeck (1862-1946) peint la Porte en 1884 (cinq ans avant le Christ jaune !), toile d’une nudité étonnante ; il s’agit d’une vue intérieure de la chapelle montrant la porte occidentale close et la première arcature de la nef, l’ensemble d’une sobriété toute nordique.
L’attention est attirée par le volume de l’espace clos en deçà de la porte, et la lumière qui s’infiltre autour de celle-ci.